Le genre de l’ouvrage
Il s’agit d’une biographie, qui représente, grâce à son analyse des sources, aussi une étude historique.
Le sujet
Le livre présent étudie la vie de la reine Brunehaut eu égard à trois aspects principaux. Il tente de déterminer si elle représentait un État central puissant à la manière romaine ou si elle favorisait l’aristocratie. En outre, il aborde la question de savoir si elle a été capable de gérer le royaume franc. Au-delà, l’auteur analyse le comportement de Brunehaut en tant que femme par rapport aux normes sociales de son temps.
La place du livre dans l’historiographie
Dumézil a écrit sa biographie de Brunehaut assez récemment pour qu’elle soit encore actuelle. Sa recherche se place dans une historiographie riche et abondante, car beaucoup d’historiens ont étudié cette reine depuis le 19e siècle. L’ouvrage de Godefroid Kurth de 1914 en est l’un des classiques.
De surcroît, l’historiographie contemporaine s’inscrit après des siècles pendant lesquels l’image de cette reine a été évoquée et utilisée à l’envie. L’étude présente vise à remettre en question certaines opinions traditionnelles sur Brunehaut et également à tenir compte des courants récents comme la gender-history.
Le résumé de l’ouvrage
Comme déjà évoqué, Dumézil définit trois questions principales pour son analyse : dégager si la reine a suivi une politique centraliste, donc romaine, ou plutôt en faveur de l’aristocratie, si elle a su gérer le royaume franc, et comment elle s’est comportée en tant que femme.
Premièrement, l’auteur décrit comment le système politique et les circonstances socio-culturelles qui forment le cadre de la vie de Brunehaut ont émergés de l’Empire Romain. Pour commencer, il rappelle les institutions et les principes de politique et de gestion dans l’Empire tardif qui ont un impact durable au temps de Brunehaut, notamment la décentralisation, le droit romain et l’acculturation des provinces.
Ensuite, l’auteur explique la crise de l’Empire commençant au 3e siècle et les théories sur la provenance et l’identité des peuples barbares. Ainsi, il conclue à la forte augmentation des relations entre l’Empire et ces « barbares ». Dans ce contexte, l’auteur évoque trois changements majeurs : la transformation de la société, l’essor de l’Église grâce au pouvoir mondial, et l’effondrement du pouvoir central en Occident.
Ces développements mènent à une présence croissante et à la prise de souveraineté des « barbares » dans les provinces. Par conséquent, les royaumes de l’Occident barbares émergent, et se posent dans tous les domaines en héritiers de l’Empire tardif.
Dumézil fait le portrait de deux des puissances politiques de cette période. D’abord, il fait le portrait de l’Empire Romain à l’Orient, que les puissants en Occident voyaient comme puissant et peut-être menaçant, car il rêvait de restaurer l’Empire en Occident et l’essayait surtout en Italie. En outre, l’auteur étudie le développement de l’Espagne wisigothique, pays natal de Brunehaut, et les circonstances politiques qui mènent à son mariage au roi franc Sigebert I, visant à consacrer une alliance wisigothique-franque contre les Byzantins.
Pour la suite, Dumézil traite du royaume franc, en commençant par l’émergence du système politique, administratif et financier. Surtout, il explique les principes de la décentralisation, du partage du royaume et de l’expansion des Francs. Puis, il caractérise la structure de la société à l’exemple des deux groupes qui ont la plus grande influence et peuvent aussi nuire au roi : l’aristocratie et le clergé. Il termine en esquissant le contexte politique concret des années 560, notamment le partage du royaume de 561 et ses conséquences. En somme, l’auteur a maintenant traité tous les facteurs qui forment le cadre du règne de Brunehaut qui épouse Sigebert I en 566.
Concernant ce le mariage, Dumézil met l’accent sur les implications politiques, le déroulement des préparatifs et de la cérémonie, et la conversion de Brunehaut au catholicisme. Au chapitre suivant, il reconstruit l’intégration de Brunehaut à la cour et il analyse le développement politique du royaume franc à la fin des années 560.
À cet égard, il dégage le changement de l’équilibre politique suite à la mort du roi Charibert. En conséquence, le meurtre, en 570, de Galswinthe, sœur de Brunehaut, qui avait épousé Chilpéric I, devient le déclencheur de la guerre civile. L’auteur décrit le déroulement de la guerre jusqu’au meurtre de Sigebert I en 575, qui laisse Brunehaut sans mari.
Pour les années qui suivent, Dumézil trace le chemin de Brunehaut jusqu’au pouvoir. Après son exil forcé à Rouen et un mariage de courte durée avec Mérovée, fils de Chilpéric I, Brunehaut retourne en Austrasie où son jeune fils Childebert II est roi. Ce n’est qu’après plusieurs années, pendant lesquelles Brunehaut est impliquée dans les luttes des factions aristocrates, qu’elle atteint une position de puissance indépendante, facilité par le meurtre de Chilpéric I en 584.
Quant aux querelles politiques suite au meurtre de Chilpéric I, l’événement affaiblit considérablement la Neustrie. Il en résulte une concurrence croissante entre Brunehaut et Gontran, roi de la Burgondie. Soutenant Childebert II en Austrasie, et Clotaire II, le petit fils de Chilpéric I et Frédégonde, en Neustrie, Gontran tient un pouvoir considérable. C’est pourquoi il méprise la puissance dont Brunehaut dispose sous le règne de son fils.
Dumézil montre ensuite comment la tentative de Frédégonde, la mère de Clotaire II, de gagner son indépendance en Neustrie, stimule un rapprochement entre l’Austrasie et la Burgondie. L’alliance est confirmée par le pacte d’Andelot. Néanmoins, ce traité ne met pas fin à toutes les dissensions. Par exemple, à la fin des années 580, Brunehaut neutralise ses adversaires principaux en Austrasie et Gontran méprise la liberté politique qui en résulte pour elle.
Dans un chapitre séparé, il est question de l’influence de la politique internationale sur les constellations politiques et surtout la position de Brunehaut dans le royaume franc. D’abord, l’auteur traite des liens ambivalents entre Brunehaut et l’Empire Romain à l’Orient. La reine aide les Byzantins dans leur efforts (vains) de récupérer l’Italie des Lombards, surtout quand les Byzantins prennent en otage la fille et le grand-fils de Brunehaut qui ont fui la guerre civile en Espagne. Le prétendant Gundowald rentre en outre de son exil à Bysance, et sa rébellion fortifie en somme la position de Brunehaut.
De surcroît, Dumézil étudie les relations diplomatiques positives de Brunehaut avec l’Espagne wisigothique, les Anglo-Saxons et d’autres peuples. Il en conclut que la reine a contribué à l’indépendance de l’Europe occidentale par rapport à Byzance, une césure importante dans la naissance du Moyen Âge.
Retournant au royaume franc, Dumézil examine la position politique de Brunehaut au cours des années 590. En fait, elle devient reine de deux tiers du royaume entier quand son fils Childebert II hérite de la Burgondie du roi Gontran en 592. Elle garde son pouvoir en prenant la régence pour ses deux petits-fils, Théodebert en Austrasie et Thierry en Burgondie, après la mort de Childebert II en 596.
L’auteur met l’accent sur les difficultés causées par l’équilibre fragile entre la monarchie et les Grands des deux Teilreiche. Pourtant, il relève que le repli de Brunehaut chez Thierry en Burgondie à la majorité des deux princes a été planifié longtemps et que, au début des années 600, il y avait encore une forte alliance entre l’Austrasie et la Burgondie. En outre, Dumézil relativise des épisodes négatifs au sujet de Brunehaut dans la chronique de Frédégaire, parce qu’il les juge improbables. Néanmoins, il précise que, en ce temps-là, Brunehaut doit sa légitimité à son extraordinaire sens politique.
Sa politique à l’égard de l’Eglise constitue un autre élément du règne du Brunehaut. Souvent, elle instrumentalise l’Église et l’installation des évêques pour ses fins. Par contre, elle soutient le pape Grégoire le Grand pour diffuser le catholicisme en Occident et fait des fondations charitables à Autun. En conséquence, Dumézil lui atteste de souhaiter l’image d’une reine pieuse, chrétienne. Le conflit avec Colomban, un fondateur important de monastères, qu’elle a soutenu comme réformateur de l’ordre monastique, mais expulse quand il devient trop critique, nuit fortement et durablement à cette image.
En politique, les fortes tensions entre ses petits-fils Théodebert et Thierry en 610 incitent Brunehaut à intervenir. Dumézil relève que la conquête de l’Austrasie par Thierry en 612 réalise une autre fois le rêve de Brunehaut de régner sur une grande partie du royaume franc.
Quand Thierry meurt d’une maladie la même année au même an, les Grands font échouer la tentative de Brunehaut d’installer son fils comme roi et invitent Clotaire II de la Neustrie à s’emparer du royaume. L’auteur retrace comment la reine perd le soutien dont elle a besoin pour se maintenir au pouvoir. Finalement, Clotaire la capture. Dumézil explique les allusions à sa politique et à son pouvoir qui figurent dans la mise en scène de sa fin cruelle en 613.
Le dernier chapitre aborde la question de savoir comment la légende autour de Brunehaut s’est formée. Dumézil démontre que la propagande de Clotaire II contre la reine atteint son but. Notamment, Frédégaire en est influencé quand il écrit sa chronique dans les années 660, une période où l’aristocratie s’empare de plus en plus du pouvoir. Il dure jusqu’au haut Moyen Âge, que le souvenir des fondations cléricales de Brunehaut incite une réhabilitation de la reine au cours des siècles. En outre, son personnage se retrouve dans le Nibelungenlied, bien qu’il faille attendre le 19e siècle pour le voir vraiment utilisé dans l’art et la littérature.
Dans sa conclusion, Dumézil répond clairement à ses trois questions initiales. Brunehaut a maintenu des éléments importants de la civilisation romaine, tout en s’adaptant aux courants majeurs de son temps, comme dans la justice ou la réforme de l’Église. Elle a mis des accents politiques qui ont fortement contribué « à l’émergence de la chrétienté médiévale ». Pourtant, la brutalité a aussi fait partie de son règne et de l’expansion de son royaume.
Pour sa personnalité, Dumézil lui atteste une grande capabilité politique, mais aussi le fait d’avoir été une catholique sincère. Sans équivoque, il dégage la raison principale qu’il a trouvé pour l’aspiration continue au pouvoir de Brunehaut : « Faute de famille pour la protéger, Brunehaut avait besoin du pouvoir. Et pour obtenir et conserver ce pouvoir, elle dut sacrifier le peu de famille dont elle disposait ».
Dumézil ne voit pas l’honneur ou les sentiments comme moteur de ses actions, ils n’ont que parfois fourni un prétexte à une action politique. Par ailleurs, Brunehaut n’a pas outrepassé le rôle attendu d’elle en tant que femme, mais l’a vécu comme il était attendu et comme c’était utile pour elle.
Les sources utilisées
Des sources nombreuses et variées sont utilisées pour cette étude. Les chroniques constituent un groupe de sources important, notamment celles qui se focalisent sur les Francs, comme Grégoire de Tours ou Frédégaire, mais aussi des chroniques qui mettent l’accent sur d’autres peuples, comme l’Historia Langobardorum de Paul Diacre ou la Getica de Jordanes.
Par ailleurs, Dumézil évoque des textes législatifs, par exemple le code Théodosien ou la Lex Ribuaria. En outre, des lettres contiennent des informations importantes. Souvent, elles se trouvent dans une collection comme les Epistolae Austrasicae.
Des vitae de saints comme Grégoire le Grand ou Colomban, et des œuvres littéraires, notamment du poète Venance Fortunat, constituent d’autres sources utiles. Finalement, Dumézil se sert aussi de règlements des conciles œcuméniques, des concilia Galliae et des conciles mérovingiens, et des Gestes des évêques d’Auxerre.
Les méthodes historiques utilisées
D’un côté, Dumézil emploie le commentaire et l’analyse critique interne afin d’expliquer les sources et les circonstances de leur écriture. Parfois, il veut attirer l’attention du lecteur sur des détails spécifiques. De l’autre, l’auteur compare souvent deux ou plusieurs sources en faisant des déductions grâce à leurs similarités et leurs contradictions.
Mes propres conclusions
Tout compte fait, j’ai beaucoup aimé ce livre. Il a été confortable à lire, car son style est plaisant et pas trop scientifique. À l’égard du contenu, je l’ai trouvé très intéressant, clair et bien structuré. Comme l’auteur l’évoque lui-même dans sa conclusion, l’ouvrage formule de nombreuses hypothèses, faute d’une plus grande quantité de sources. Pourtant, je trouve les propos du livre plausibles et quand même bien fondés. J’ai l’impression qu’il permet une compréhension profonde de la vie de Brunehaut et de toute son époque.
Commentaire linguistique :
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-attention à l’utilisation du verbe „traiter (de)“ et notez bien les verbes descriptifs que vous rencontrez lors de vos lectures (analyser, présenter, décrire, dépeindre, évoquer, etc.), pour pouvoir enrichir et varier encore davantage votre lexique.
Ici, vous pouvez aussi être plus précise et plus personnelle en indiquant par exemple ce qui vous a étonnée, ou ce que vous avez appris de nouveau.Reference
Votre résumé est très exhaustif. C’est utile pour votre propre apprentissage, mais peut-être un peu trop détaillé pour une fiche de lecture. Allez directement à l’essentiel et présentez d’une part la structure générale de l’ouvrage (donc aussi la perspective et la méthode choisies), d’autre part ses principaux résultats.Reference
Un ourage „récent“ n’est pas forcément „pertinent“, mais vous évoquez ensuite clairement ce que cet ouvrage apporte à la tradition des études sur le sujet.Reference
Structure claire, bonne utilisation des connecteursReference
Précis et détaillé.Reference